HUMAN RIGHTS IN TIMES OF ILLIBERAL DEMOCRACIES - ΑΝΘΡΩΠΙΝΑ ΔΙΚΑΙΩΜΑΤΑ ΣΕ ΚΑΙΡΟΥΣ ΑΝΕΛΕΥΘΕΡΩΝ ΔΗΜΟΚΡΑΤΙΩΝ

| 240 N. C. Alivizatos Liber Amicorum in memoriam of Stavros Tsakyrakis quitter sa chambre d’hôtel; il avait passé ses pouvoirs au recteur de l’Université d’ Iéna, qui épiait avec inquiétude tous les mouvements de la délégation française. Vers quel côté allaient se diriger les sympathies des milliers de participants aux festivités universitaires? Du côté allemand, comme l’aurait souhaité le gouvernement dictatorial, ou bien du côté français comme l’auraient voulu les réflexes des étudiants et des intellec- tuels athéniens? En réalité, la question ne s’est même pas posée. Comme le note Spyros Linardatos, historien de la dictature du 4 août, plus de 2000 étudiants attendaient Jean Zay à son arrivée à l’hôtel Grande Bretagne, sur la place de la Constitution, en plein centre d’Athènes, le soir du 15 avril 1937, et des manifestations similaires avaient lieu chaque fois que celui-ci apparaissait à des événements officiels ou dans le cadre de visites informelles 5 . En effet, pendant son séjour de trois semaines, Jean Zay s’est rendu à Delphes, à Thèbes, à Salonique et même sur l’ île de Délos, pour inspecter les missions archéologiques françaises et déposer des couronnes aux monuments dédiés à la mémoire des Français morts en com- battant sur sol grec pour les idéaux communs des deux peuples. Toutefois, comme le notait Jean Zay, “[l]a ferveur populaire créa parfois des situations délicates. Je ne pouvais mécon- naître les hommages rendus à mon pays. Cependant, j’étais l’hôte du gouvernement grec, qui m’accueillait fort courtoisement et je devais respecter avec soin son hos- pitalité. J’eus à observer dans mes discours bien de nuances! Quand les étudiants manifestèrent le désir d’organiser une réception spéciale, je n’acceptai point avant de recueillir l’accord de M. Métaxas. Il se montra beau joueur: “Allez-y, me dit-il en souriant. Il ne faut pas les contrarier; ces jeunes gens ont le sang chaud”. En effet! Lorsque j’entrai dans [la salle de] Parnassos 6 , une immense clameur retentit, jaillie de plusieurs milliers de poitrines et bientôt suivie de la Marsellaise : “Vive la France! Vive la République!”. Quant revint un silence relatif, on entendit dans un coin quelques voix –contre-manifestants ou agents provocateurs- qui criaient timidement “Vive le 4 août! Vive Métaxas!”. Ce fut suffisant pour déclencher une bagarre. Les tables et les chaises voltigèrent. Je me trouvai, impuissant, au centre d’une furieuse mêlée. Par bonheur, l’éminent helléniste qui m’accompagnait, M. Hubert Pernot, professeur à la Sorbonne, et qui parlait parfaitement le grec moderne, parvint à escalader l’estrade 5. S. Linardatos, Le 4 août, (4 η Αυγούστου) , Αthènes, éd. Themélio, 1966, p. 256 s. 6. Fondée en 1865, l’ “Association philologique le Parnasse” («Φιλολογικός Σύλλογος Παρνασσός»), est une des plus anciennes en Grèce. Elle siège sur la place Karytsi, au centre d’Athènes, où fonctionne depuis le 19 ème siècle sa salle des fêtes, une des plus impressionnantes de la capitale hellénique. C’est là que Jean Zay a donné sa conférence. Ma mère, qui assistait avec son frère, le romancier Georges Théotokas, et un ami, le futur pro- fesseur de droit et défenseur des droits de l’homme Phédon Vegléris, m’a précisé que la police avait procédé alors à de nombreuses arrestations.

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