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J. KULLMANN
Sinistres sériels et globalisation:
une réalité mensongère sans régime
juridique cohérent
Jérôme Kullmann,
Professeur à l’Université Paris Dauphine
Directeur de l’Institut des Assurances de Paris Dauphine
Président de l’AIDA
Ioannis Rokas et moi-même avons au moins un trait de caractère commun: en bons
universitaires, l’argent ne nous intéresse pas. Seule la science, en l’occurrence
juridique, est susceptible de retenir notre attention. Pourtant, l’étude qui lui est
ici dédicacée ne va parler que d’argent, encore d’argent et toujours d’argent… Tout
au moins, c’est la Cour de cassation qui, en France, l’a déclaré: «la clause d’unicité
ou de globalisation des sinistres ne porte que sur la définition du sinistre et
a pour
objet de permettre d’appliquer les plafonds de garantie
prévus par sinistre et par an
à des sinistres dits sériels, en les considérant comme un seul sinistre se rattachant à
la même année d’assurance»
1
.
Sinistres sériels et globalisation: avant de considérer que deux sinistres, ou des
centaines de milliers de sinistres, ne constituent, d’un point de vue juridique,
qu’un sinistre, il faut définir l’élément qui leur est commun -ou les éléments qui
leur sont communs: est-ce un même fait dommageable? ou un même dommage? ou
une réclamation commune? Une fois que ce caractère commun est déterminé, on
peut estimer que l’ensemble de ces sinistres sont fusionnés en un seul: c’est alors le
mécanisme de la globalisation qui est enclenché, afin de n’appliquer qu’un plafond
de garantie, et qu’une franchise.
-I- A la recherche du sinistre sériel
La fusion de plusieurs sinistres en un seul est un mensonge: la réalité est niée. A
supposer que cette fiction soit juridiquement valable, comment la mettre en place:
1. Cass. 2è civ., 28 février 2013, n°12-12813, RGDA 2013 p.610, note J.Kullmann.